Chacun connaît la blague de l’ivrogne qui cherche ses clés au pied du réverbère, non parce qu’il les a perdues à cet endroit, mais « parce qu’ici du moins, on a de la lumière pour chercher... »
« Médiologie » désignerait justement cet intérêt dirigé non directement vers les espoirs perdus, mais vers les conditions de l’éclairage ou vers ce que nous appellerions volontiers la question du jour.Cette question (et cette gestion) du jour se pose particulièrement dans le domaine de la presse, où elle porte le nom d’actualité. On emploie facilement ce terme sans y réfléchir, ou sans assez mesurer le d’interrogations qui s’y nouent. Car qui décide des événements du jour, qui oriente le projecteur ou le grand miroir ? Pourquoi tel sujet se trouve-t-il surexposé dans les médias, et tel autre peu traité ou relégué dans l’ombre ? Nous sentons bien qu’une réponse par la conspiration, ou par le chef d’orchestre clandestin, demeure naïve ou inégale à la complexité du fonctionnement des médias. Cette question du jour est typiquement médiologique, c’est-à-dire qu’elle requiert des réponses à la fois techniques et pragmatiques : le « jour » est ainsi parce qu’on n’a pas les moyens d’éclairer d’autres zones, mais on ne se donne pas ces moyens dans la mesure où les gens ne s’y intéresseraient pas. Deux paramètres sont toujours à l’œuvre dans le traitement des informations et la synthèse de ce qu’on appelle une actualité : on sait localiser et traiter tel type d’événement parce qu’il rentre justement dans un type (une rubrique dans la mise en page, une catégorie dans le classement des dépêches), mais aussi parce que telle information semble marquée au coin de la pertinence, autrement dit qu’il y aura pour elle des clients.Cette simple remarque nous rappelle qu’à côté des moyens techniques disponibles pour l’investigation, il faut, si nous voulons rendre compte du traitement très inégal de nos informations, considérer en première ligne le facteur du mimétisme (certains diront du conformisme). Au cœur de la notion d’actualité gît en effet ce désir impérieux en chacun de savoir ce que les autres savent ; de sorte que comme les papillons autour de la lampe, les journalistes et leurs lecteurs se dirigent de préférence là où c’est (déjà) éclairé. En situation d’incertitude – expressément prévue par Descartes quand il évoque l’homme perdu dans la forêt – le mimétisme s’impose : l’homme est un réverbère pour l’homme.Le système disponible d’éclairage trace ainsi le programme de nos questions, de nos curiosités, de nos informations en général ; hors de ce réseau aux conduites et aux fils plus ou moins enfouis s’étend l’empire des ténèbres, de l’insignifiance ou du bruit. Ajoutons, sans pouvoir ici développer ces points, que ce qui nous éclaire généralement nous réchauffe ; et si le feu volé par Prométhée servit à forger des outils, il put aussi éclairer et chauffer des foyers, qui sont des lieux d’attraction et de regroupement. Ainsi l’information, qui nous éclaire sans doute mais qui chauffe également à feu doux l’essaim tourbillonnant de ses spectateurs-lecteurs, en donnant à chacun des sujets de conversation qui sont aussi des motifs d’identification. On se reconnaît et on se relie à travers une information commune, ou traitée en commun, et ce tenace désir de relation infiltre tous nos contenus d’information. Et c’est pourquoi l’information, dont la « couverture » semble aujourd’hui devenir planétaire, demeure une valeur étrangement locale, et d’un chauvinisme peut-être indépassable : il n’y a pas de réverbère mondial.Ce qui vaut pour l’information journalistique se transposerait aisément dans le domaine de la recherche scientifique, où il convient de distinguer recherche et méta-recherche : la première tourne dans le rond de lumière ou dans le cadre tracé, elle n’essaye pas de « changer de paradigme », elle ne pose pas la question des conditions de l’éclairage. Combien se contentent de gratter au pied du réverbère, non pour y trouver quelque chose, mais parce qu’on y est vu comme un chercheur brillamment éclairé ? Même si le mimétisme et le narcissisme parasitent tout effort de recherche, il faut souligner que par définition ou par principe notre connaissance tournera toujours dans un cercle, c’est-à-dire dans la boucle autorenforçante des savoirs déjà acquis et de nos instruments disponibles, hors desquels il serait en effet héroïque de s’aventurer : « Tu ne me chercherais pas, pourrait dire chaque objet d’investigation, si tu ne m’avais déjà trouvé… »Pourquoi la lumière est-elle l’archi-métaphore de l’intelligence ou de la trouvaille dans les domaines scientifiques et techniques ? Serait-ce que le discours du savant, mais également du philosophe, se guide généralement sur les métaphores de la vue (idée, théorie, évidence, clarté, etc.) ? On oublie, à trop les entendre, qu’une saine recherche n’est pas seulement affaire de vue, mais pourquoi pas de flair, ou encore de tact, deux sens auxquels Hegel déniait toute portée théorique, et qui n’ont que faire de la lumière.
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L'espoir au regret de vous l'apprendre est déjà une forme de résignation
Chacun connaît la blague de l’ivrogne qui cherche ses clés au pied du réverbère, non parce qu’il les a perdues à cet endroit, mais « parce qu’ici du moins, on a de la lumière pour chercher... »
« Médiologie » désignerait justement cet intérêt dirigé non directement vers les espoirs perdus, mais vers les conditions de l’éclairage ou vers ce que nous appellerions volontiers la question du jour.Cette question (et cette gestion) du jour se pose particulièrement dans le domaine de la presse, où elle porte le nom d’actualité. On emploie facilement ce terme sans y réfléchir, ou sans assez mesurer le d’interrogations qui s’y nouent. Car qui décide des événements du jour, qui oriente le projecteur ou le grand miroir ? Pourquoi tel sujet se trouve-t-il surexposé dans les médias, et tel autre peu traité ou relégué dans l’ombre ? Nous sentons bien qu’une réponse par la conspiration, ou par le chef d’orchestre clandestin, demeure naïve ou inégale à la complexité du fonctionnement des médias. Cette question du jour est typiquement médiologique, c’est-à-dire qu’elle requiert des réponses à la fois techniques et pragmatiques : le « jour » est ainsi parce qu’on n’a pas les moyens d’éclairer d’autres zones, mais on ne se donne pas ces moyens dans la mesure où les gens ne s’y intéresseraient pas. Deux paramètres sont toujours à l’œuvre dans le traitement des informations et la synthèse de ce qu’on appelle une actualité : on sait localiser et traiter tel type d’événement parce qu’il rentre justement dans un type (une rubrique dans la mise en page, une catégorie dans le classement des dépêches), mais aussi parce que telle information semble marquée au coin de la pertinence, autrement dit qu’il y aura pour elle des clients.Cette simple remarque nous rappelle qu’à côté des moyens techniques disponibles pour l’investigation, il faut, si nous voulons rendre compte du traitement très inégal de nos informations, considérer en première ligne le facteur du mimétisme (certains diront du conformisme). Au cœur de la notion d’actualité gît en effet ce désir impérieux en chacun de savoir ce que les autres savent ; de sorte que comme les papillons autour de la lampe, les journalistes et leurs lecteurs se dirigent de préférence là où c’est (déjà) éclairé. En situation d’incertitude – expressément prévue par Descartes quand il évoque l’homme perdu dans la forêt – le mimétisme s’impose : l’homme est un réverbère pour l’homme.Le système disponible d’éclairage trace ainsi le programme de nos questions, de nos curiosités, de nos informations en général ; hors de ce réseau aux conduites et aux fils plus ou moins enfouis s’étend l’empire des ténèbres, de l’insignifiance ou du bruit. Ajoutons, sans pouvoir ici développer ces points, que ce qui nous éclaire généralement nous réchauffe ; et si le feu volé par Prométhée servit à forger des outils, il put aussi éclairer et chauffer des foyers, qui sont des lieux d’attraction et de regroupement. Ainsi l’information, qui nous éclaire sans doute mais qui chauffe également à feu doux l’essaim tourbillonnant de ses spectateurs-lecteurs, en donnant à chacun des sujets de conversation qui sont aussi des motifs d’identification. On se reconnaît et on se relie à travers une information commune, ou traitée en commun, et ce tenace désir de relation infiltre tous nos contenus d’information. Et c’est pourquoi l’information, dont la « couverture » semble aujourd’hui devenir planétaire, demeure une valeur étrangement locale, et d’un chauvinisme peut-être indépassable : il n’y a pas de réverbère mondial.Ce qui vaut pour l’information journalistique se transposerait aisément dans le domaine de la recherche scientifique, où il convient de distinguer recherche et méta-recherche : la première tourne dans le rond de lumière ou dans le cadre tracé, elle n’essaye pas de « changer de paradigme », elle ne pose pas la question des conditions de l’éclairage. Combien se contentent de gratter au pied du réverbère, non pour y trouver quelque chose, mais parce qu’on y est vu comme un chercheur brillamment éclairé ? Même si le mimétisme et le narcissisme parasitent tout effort de recherche, il faut souligner que par définition ou par principe notre connaissance tournera toujours dans un cercle, c’est-à-dire dans la boucle autorenforçante des savoirs déjà acquis et de nos instruments disponibles, hors desquels il serait en effet héroïque de s’aventurer : « Tu ne me chercherais pas, pourrait dire chaque objet d’investigation, si tu ne m’avais déjà trouvé… »Pourquoi la lumière est-elle l’archi-métaphore de l’intelligence ou de la trouvaille dans les domaines scientifiques et techniques ? Serait-ce que le discours du savant, mais également du philosophe, se guide généralement sur les métaphores de la vue (idée, théorie, évidence, clarté, etc.) ? On oublie, à trop les entendre, qu’une saine recherche n’est pas seulement affaire de vue, mais pourquoi pas de flair, ou encore de tact, deux sens auxquels Hegel déniait toute portée théorique, et qui n’ont que faire de la lumière.
Si la dernière roue du carrosse dirige,
c'est qui qui est trimballé ...?
Mais ceux qui n 'espèrent jamais rien , ne sont jamais déçu .
Espérer , c 'est attendre que ça tombe du ciel .
Ceux qui ont la volonté de se donner les moyen pour avoir ce qu'ils veulent ne sont pas facile à soumettre , ils savent comment résister .
j ai entendu dire ça dans un film