« Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Tes dix-huit ans réfractaires à l’amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de Paris ainsi qu’au ronronnement d’abeille stérile de ta famille ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents du large, de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine. Tu as eu raison d’abandonner le boulevard des paresseux, les estaminets des pisse-lyres, pour l’enfer des bêtes, pour le commerce des rusés et le bonjour des simples.
Cet élan absurde du corps et de l’âme, ce boulet de canon qui atteint sa cible en la faisant éclater, oui, c’est bien là la vie d’un homme ! On ne peut pas, au sortir de l’enfance, indéfiniment étrangler son prochain. Si les volcans changent peu de place, leur lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses plaies.
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi. »Char
Mise à jour:Tu crois que j'ai le temps de me décarcasser pour un site à l'agonie, c'est juste pour animer cette section avec le dialogue de René Char et Heidegger sur Rimbaud....si tu peux mieux faire, ne te gène surtout pas ...
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Answers & Comments
Sensation.....
Par les soirs d'été, j'irai dans les sentiers,
Picotés par les blés, fouler l'herbe menue
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds,
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, ne penserai rien
Mais, l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, comme un bohémien,
Par la Nature, heureux comme avec une femme.
Arthur, Mars 1870
bonjour
Comme quoi, encore une fois poésie et pensée sont d'accord, grâce à Char, un philosophe, et non pas des moindre, Heidegger, s'intéresse à la poésie, ou plus exactement à l'âme de la poésie (si je puis m'exprimer ainsi), celle de Rimbaud, le poète révolutionnaire selon Char, pensée et poésie se conjuguent
Dans l'extrait que tu cites, Char salue le courage de Rimbaud, et sa fuite, refusant ce carcan de la bourgeoisie pour se retrouver, et vivre heureux, même si malheureusement tout le monde sait comment finit sa vie; ceci étant, comme dirait l'inestimable Jean d'Ormesson, il s'en est allé sans en avoir tout dit ?
Ou qui sait ? peut-être justement si...
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire cet échange, entre un poète-philosophe et un philosophe, sur celui qui n'avait qu'une seule maîtresse, sa poésie, la poésie de Rimbaud, Merci à toi pour ce partage
Alchimie du Verbe,
Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,
Que buvais-je, à genoux dans cette bruyère
Entourée de tendres bois de noisetiers,
Dans un brouillard d'après-midi tiède et vert ?
Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise.
— Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert ! —
Boire à ces gourdes jaunes, loin de ma case
Chérie ? Quelque liqueur d'or qui fait suer.
Je faisais une louche enseigne d'auberge.
— Un orage vint chasser le ciel. Au soir
L'eau des bois se perdait sur les sables vierges,
Le vent de Dieu jetait des glaçons aux mares ;
Pleurant, je voyais de l'or - et ne pus boire. -
Arthur Rimbaud (1854 - 1891 à 37 ans) : extrait d'une Saison en Enfer
Passe une bonne journée☺
Moi aussi je sais faire des copiés collés